Reverso

Stéphane RENARD
Nathanaël LE SCOUARNEC
SEQUENCE 1 Un couloir sombre. Cyril gît par terre, le corps baigné dans une fine couche d’eau stagnante. Il porte une chemise blanche trempée. Ses muscles se mettent à bouger doucement. Il ouvre les yeux, mais ne voit que des taches grises et noires. Ses oreilles bourdonnent et grésillent. Une douleur profonde et vive le tiraille. Il pince son nez, une odeur nauséabonde de javel et de produits nettoyants règne dans l’air. Cyril se lève difficilement et s’appuie sur le mur granuleux à côté de lui. Le couloir lui semble s’étendre jusqu’à l’infini. Au plafond, une lumière halogène vacille. Il fixe ses yeux sur le néon, comme attiré par cette clarté. Soudain, il est agressé par des flashs, des souvenirs qui éclatent à son esprit. Juste des images, des bribes de mémoire. Un néon en forme de « Z », un combiné de téléphone qui se balance dans le vide, un serpent tatoué sur un bras, une seringue tombant par terre. Cyril respire à toute allure et se plaque contre le mur. Il passe une main sur son visage en sueur. Ses yeux ne sont plus que deux billes rouges et vitreuses. Il fait quelques pas hésitants qui claquent contre l’eau troublée du sol. Autour de ses pieds des cercles concentriques se déforment. Perdu et au bord du malaise, il relève la tête et passe une main sur ses cheveux. Il se regarde dans un miroir fêlé accroché au mur. Il voit son visage et tâtonne sa peau. Il se regarde, les yeux écarquillés. Il ouvre la bouche et passe un doigt sur des dents propres et banches. Dans le reflet du miroir, il y a une porte entrouverte donnant sur une salle toute blanche et très propre. Mais Cyril ne la voit pas et reste captivé par son corps. Il pose une main sur son bras. Quant il la relève, il voit cette inscription portée au feutre noir, « Marie est la clé » et fronce les sourcils. Autour de lui, quelques balais et une serpillière humide. Il fouille sa veste et trouve un portefeuille et des clés dans la poche intérieure. Il regarde le trousseau avec étonnement et déplie le portefeuille. Sonné et abasourdi, il se laisse tomber sur le sol. Le frémissement de l’eau résonne dans le couloir obscur. La tête baissée, Cyril défait sa chemise pour mieux respirer. Il regarde l’étendue du couloir et semble voir des formes se mouvoir dans l’ombre. Il passe une main sur son cou, marqué d’une trace rouge. En y touchant, cette voix remonte en lui. SEQUENCE 2

Deux tâches dans le lointain du couloir semblent prendre vie en s’approchant. Les
deux hommes se débattent. Oscar fini par réussir à mettre Alban au sol.
Alban se débat et voit à peine les traits de l’homme qui le retient prisonnier. Le visage plaqué contre le sol, il sent juste sur son cou le métal froid d’une montre. Ses cheveux traînent dans l’eau grisâtre. Oscar sort une seringue de sa poche et l’introduit doucement dans le cou d’Alban. L’aiguille pénètre dans la chaire. Après quelques secondes, Alban se calme, son corps se raidit. Il ne peut presque plus bouger ses yeux. La substance injectée fait son effet. Alban voit la seringue tomber par terre sans même l’entendre, c’est n’est qu’un écho informe. OSCAR (Qui relâche son étreinte) Voilà… C’est bien… (…) Ah mon salaud ! T’es un coriace toi… Oscar traîne Alban dans une salle qui donne sur le couloir. Tout y est blanc. Le bruit de la toux d’Oscar résonne dans le crâne d’Alban. Puis, il se sent flotter. En fait, Oscar le pose sur un fauteuil légèrement incliné. Des bruits de pas s’approchent. Alban ne voit plus que des reflets et entend juste ses bruits qui résonnent et s’arrêtent finalement. CYRIL Oscar ? Il est prêt ? Je peux venir ? OSCAR (en toussant) Oui… c’est bon. C’est a ton tour maintenant… Cyril entre lentement dans la pièce, ses pas résonnent sur le carrelage. Alban sent le tissu épais et vinylique coller à sa peau. La tête vers le haut, il ne voit que cette barre lumineuse. Oscar éclate une ampoule d’Hypnovel et la mélange à une poche de sérum physiologique. Il pince la peau d’Alban et y glisse une aguille reliée à un cathéter. Alors, il se tourne vers Cyril. OSCAR Sans répondre, Cyril tourne la valve et enclenche le goutte-à-goutte. CYRIL Y’a vraiment pas d’autres moyens ? Cyril, tu cr… (coupé) Crois moi, il ne reste plus que cette solution. Tous les jours… Tu dois venir tous les jours ! Oscar acquiesce et prépare un second cathéter. CYRIL Surtout ne cherche pas à me retrouver. (…) Dans deux mois, si je ne reviens pas vers toi… préviens ma femme. T’es sûr que tu dois prendre tous ses risques ? Cyril reste assis sur le bord du second fauteuil blanc. Pensif et presque perdu, il regarde la poche reliée au cathéter. Les yeux dans le vague, il entend juste la lourde porte se refermée derrière Oscar. La pièce se plonge dans l’obscurité. Il y a juste ce néon vacillant au plafond et un filet de lumière au sol. Cyril prend une boîte de Neurontin en carton avec plusieurs pilules et la glisse dans sa poche. Il regarde ensuite l’intérieur de sa paume et semble réfléchir. CYRIL Moment Très cher Alban, il est temps de me confier tes secrets. La tête vers le sol, Alban ne voit que des pieds. Une gerbe de lumière se reflète sur les chaussures de villes noires et cirées de l’autre homme. SEQUENCE 3 Cyril regarde ses pieds. Les mêmes chaussures noires. Il vérifie l’adresse sur la carte d’identité et referme le portefeuille. Il regarde le numéro de rue, c’est bien la bonne adresse. L’immeuble est luxueux. Un immense lustre vient éclairer le hall. Encore abasourdi, Cyril regarde les boîtes aux lettres pour trouver de quel appartement il s’agit. Il monte les marches de l’escalier et cherche le bouton de la lumière. Tout est propre, il y a une épaisse moquette rouge sur les marches. Cyril s’arrête devant la porte et sort les clés. Il regarde la serrure, ca semble correspondre. Il ouvre la porte sans faire de bruit. Dedans, tout est sombre et Cyril avance dans l’obscurité. Il tâtonne, et trouve finalement l’interrupteur. Là, il découvre un grand loft tout blanc, parfaitement rangé et propre. Cyril avance. Il balade ses yeux sur les murs et les quelques photos qui y sont accrochées. Il y voit cet homme, entourés d’une femme et d’une petite fille aux cheveux d’or bouclés. Son mal de crâne le tiraille de plus en plus et il ne supporte pas la vision de ses clichés. D’un grand coup de bras, Cyril arrache les cadres et les envoient s’écraser contre le sol. Le verre se brise avec fracas. En relevant la tête, il se voit dans un miroir… Il voit ce visage qui était sur les photos. Une femme entre dans la pièce, réveillée par le bruit. Elle se précipite vers Cyril et semble terrorisée. Elle s’accroupie et passe une main sur le visage de Cyril. Cyril ne dit rien et la dévisage. Il reconnaît la femme des photos. Elle se relève et va chercher un verre d’eau. En revenant, elle voit les bouts de verres brisés des cadres. STEPHANIE (Paniquée) C’est… c’est encore une crise, c’est ça ? Moi qui croyait que c’était fini… Un long silence règne. Stéphanie est au bord des larmes et Cyril reste toujours aussi amorphe. Cyril, le regard vers le sol, ouvre l’intérieur de sa paume et voit l’inscription. … (Elle soupire)… Tu sais bien… (Une larme coule le long de sa joue) Tu sais bien qu’elle est partie, ça fait un an déjà…
Elle baisse la tête et s’éloigne.
Cyril reste abasourdi. Il avance dans l’appartement et va dans une autre pièce.
C’est un bureau plein de dossiers. Il ouvre les tiroirs et fouille. Au bout de quelques
minutes, il trouve un bout de journal découpé. Il lit l’article en diagonale. « Affaire
de stupéfiants » « à nouveau arrêté et mis en garde à vue ». Et puis, son regard
tombe sur une petite photo. Il écarquille les yeux et bloque sa respiration.
Des voix ressurgissent à son esprit.

SEQUENCE 4
Cyril s’éveille en sursaut, effrayé. Il se raidit d’un bond.
STEPHANIE
Cyril essaie de calmer sa respiration haletée et ne répond même pas. C’est le petit matin, il fait jour. Stéphanie enfile son manteau et regarde le sol tapissé de livres ouverts et des notes manuscrites. Ca ne peut plus continuer comme ça. Tu comprends ? (…) Tu m’agaces, Cyril ! Tu comprends ça ? Elle le saisit par les épaules et le secoue. (Agacé) Regarde toi ! Tu es pathétique… Cyril reste sans réaction. Stéphanie soupire. Elle s’éloigne sur le pallier et descend les marches bruyamment. Il la rattrape et lui montre une photo qu’il a trouvé pendant la nuit. Elle regarde le cliché. Ce sont deux gamins qui se ressemblent et qui se tiennent par l’épaule. CYRIL C’est juste… toi et ton frère jumeau. Cyril replonge ses yeux dans la photo STEPHANIE Ne me dis pas que tu le crois toujours coupable ? Je ne sais pas si je vais pouvoir tenir longtemps comme ça. Il va falloir que tu fasses des efforts toi aussi. Mais Cyril ne lève même pas les yeux. Stéphanie soupire et descend les marches. Il la voit partir et regarde à nouveau sa paume… « Marie est la clé ». CYRIL Et (Il se rend compte que Stéphanie est partie) Cyril descend à toute allure les marches de l’escalier pour la rattraper. Il arrive dans la rue, regarde à gauche et à droite, mais ne voit personne. Elle est déjà partie. L’avenue est bondée. SEQUENCE 5

La rue est pleine de monde ce matin-là.
Alban court et se faufile à travers la masse.
Il jette un regard affolé derrière lui et se plaque contre le mur. Il reprend sa
respiration et attrape le combiné de la cabine téléphonique. Il compose avec
précipitation le numéro.
ALBAN Lila ? C’est moi. (…) Je dois faire vite… Ils me sont tombés dessus… Quoiqu’il m’arrive prend bien soin de Marie, tu comprends. Fais le pour moi. Une sirène de police résonne au loin. Alban baisse la tête et se recroqueville dans la cabine. ALBAN Prend soin de toi aussi, de toi et de Marie. Je vous embrasse.
Il s’en va en courant et laisse le combiné pendre dans le vide, juste tenu par le fil.
Au loin, Alban s’éloigne peu à peu. Une voiture de police passe dans la rue, la
sirène retentie.
SEQUENCE 6

Cyril reste figé à quelques mètres de la cabine. La sirène s’éloigne au loin.
Il regarde autour de lui, mené par son instinct. Ces façades qu’il croit connaître,
ces magasins qui lui semblent familiers. Il avance dans la grande avenue et lit avec
curiosité les plaques au coin des rues.
Il arrive devant une porte dans une petite ruelle. Il a un code qu’il compose
naturellement et ouvre la porte. Il monte les étages et regarde les paliers. Il y a
cette porte devant laquelle Cyril s’arrête, c’est celle là. Quant il pose la main sur
la poigné, comme dans un flash, il se revoit pénétrer dans cet appartement. Il sent
la présence dans cette main posée mainte et mainte fois sur ce métal.
Il force la poignée qui résiste à peine.
L’appartement est presque vide. Les volets sont fermés. Tout est sombre, juste
quelque filet de lumières se reflétant sur un lit à barreaux abandonnés.
Cyril regarde avec mélancolie, les petits draps rose et rouge qui ornent le lit. Il
entend cette voix résonner dans l’appartement vide et tourne la tête.
Elle court vers Alban. Ses petites boucles blondes rebondissement contre son visage clair et rempli de tâches de rousseurs. Elle saute au cou d’Alban qui se baisse pour la récupérer. MARIE (En déposant un bisou sur la joue pileuse d’Alban) Y pique papa ! ALBAN Non (Il passe une main sur sa bouche) Ne m’appelle pas comme ça… A quoi vous jouiez ? Lila regarde la scène avec tendresse. MARIE Memory L’enfant dit ces mots avec fierté. Alban jette un œil sur le sol recouvert de cartes bleues. Sur les cartes retournées de pairs d’animaux. MARIE (Avec L’enfant se précipite à quatre pattes sur le sol et retourne délicatement les cartes. Alban se rapproche de Lila et l’embrasse dans le cou. Tous deux se relèvent et regardent l’enfant avec amour. LILA (Hésitante) Je sais que tu n’aimes pas qu’on en parle mais tu as des nouvelles de ton frère ? Alban reste sans réponse, ne décollant pas les yeux de l’enfant. LILA (Tout C’est cruel à dire, mais j’espère qu’elle va rester encore avec nous. Ca fait presque un an qu’elle est là et… elle a tout a changé… Ne t’inquiètes pas, je crois qu’ils ne sont pas encore remis. Alban saisit Lila par la taille et lui susurre. Depuis qu’elle est là, tout s’est arrangé.
Alban s’éloigne et laisse Lila et Marie préparer la partie.
Lentement, une gerbe de lumière s’échappe entre les persiennes des volets. Lila et
Marie semblent disparaître.
SEQUENCE 8

Mais maintenant, il n’y a plus que des reflets sur le parquet et le frémissement de
l’eau provenant de la salle de bains.
Cyril est sous la douche et regarde son corps nu. L’eau s’écoule. Cyril regarde son
bras. Juste cette peau blanche et uniforme. Plus de tatouage, plus de cicatrice.
Les gouttes viennent s’écraser contre son visage. Sa barbe a poussée. Son visage a
vieilli et semble marqué par les nuits blanches.
Il sort de la salle de bains et regarde dans la penderie d’Alban. Il prend quelques
vêtements et les enfile.
Les volets de la pièce sont toujours fermés. Les jours ont passés.
Cyril regarde à travers le volet. Il lève les yeux et regarde le soleil. Soudain, dans
un flash blanc, il revoit ses images. Le soleil qui se reflète contre la carrosserie.
Des crissements de pneu, des cris. Puis tout devient noir.
Cyril est terré dans un coin de mur. Ses yeux sont marqués par le manque de
sommeil. Ses visions l’empêchent de fermer l’œil depuis près de trois jours.
La douleur s’est emparée de son corps et le laisse amorphe. Il essaie de se lever,
mais ses sens le trompent, des vertiges le soulèvent et il se recroqueville comme
un animal blessé sur le sol.
Il tousse fortement, comme un corps étranger qui voudrait sortir.
Cyril se précipite dans la salle de bains, et crache son estomac. Il vomi sa bille et
crache son mal-être.
Il pose sa tête sur le bord des toilettes et se met à pleurer. L’émail est froid et
dur. Il attrape une boîte de médicaments en plastique avec quelques pilules et en
glisse une dans sa bouche. Il l’avale sans même boire d’eau.
Il rampe jusqu’à la pièce principale et regagne le coin de la pièce.
JESSIE On t’as vu en ville depuis quelques jours… Eh ! T’as pas l’air en forme dis moi ! Cyril lève la tête, surpris par ce qu’il croit tout d’abord être une hallucination. JESSIE Tu t’ais fait enculer en zonzon, c’est ça ? Alors t’as intérêt à faire ce que je te dis, sinon ça va continuer dehors. Le mec se met à rire. C’est un jeune beur tout maigre. Il a du Pento plein les cheveux et porte mal son costume de supermarché. Il prend un accent italien des plus ridicule, et semble tout droit sorti d’un film de Scorsese. Cyril ne dit rien. JESSIE Alors si tu veux revoir ta fille, mon pote… Cyril sort de son état comateux et se dresse. Le beur se rend alors compte qu’il est bien plus petit et maigre que Cyril, et il ravale un peu son arrogance. JESSIE … et bien, passe au Zéphir ce soir. Elija veut te voir.
Le jeune se tire, toujours à moitié en train de parler.
Cyril est maintenant debout, il se sent mieux. Comme si une force était montée en
lui à ces mots. Il répète doucement le nom de cet endroit. « Le Zéphir », comme
pour savoir s’il connaît cet endroit. Cyril creuse sa mémoire torturé. Il se souvient
de tout ce bruit, des gens qui dansent.
Il fouille avec frénésie le tiroir du bureau et répète le nom du bar. Il tombe sur une
carte de visite. En lettres rouges sur un fond noir est inscrit « Zéphir ».
Les caractères se mettent à frétiller et prennent vie.
SEQUENCE 9

L’halogène lumineux grésille au dessus du bar. « Zéphir » en néon rouge. Un
barman pose des verres sur un plateau en zinc et l’apporte à une table au fond.
Alban y discute avec un grand black chauve, accro aux pistaches.
ALBAN Je veux tout arrêter, tu comprends ? ELIJA Mon vieux, ici, on ne démissionne pas. C’est un contrat à long terme qui nous unis toi et moi… ALBAN Je m’en fous de ton contrat ELIJA (Un grand sourire aux lèvres) Tu sais qui sont mes meilleurs amis, Alban ? (Il avale d’un trait le contenu de son verre) Les flics ! J’ai des amis qui avec deux ou trois pistes sur toi, trouveraient des choses pas très nettes. Alors ne déconne pas avec moi ! Et d’abord pourquoi tu veux arrêter ? ALBAN Je vais être papa… On s’éloigne d’eux. La caméra se faufile dans la masse dansante et sort finalement de la boîte. Dehors il fait nuit et les étoiles éclairent la ville. La rue est déserte. SEQUENCE 10 Cyril arrive à toute allure. Il reconnaît cette enseigne lumineuse, le Zéphir… Il regarde le videur et la porte d’entrée de la boîte. La musique émet des basses profondes qui se répandent dans toute la rue. Cyril lève la tête et prend une pilule qu’il sort de sa poche. C’est un quartier chic. Mais derrière cette porte, il s’attend au pire. Il entend ce son lancinant qui monte en lui. C’est alors que derrière lui, une berline grise s’arrête. La vitre teintée descend doucement. JESSIE Hey Cyril s’approche et monte à bord. Il s’assoit à l’arrière, à côté de Jessie. La voiture file dans la nuit tombante. Jessie ne perd pas une seconde et lui parle avec précipitation. Il tapote sur la vitre qui les sépare du chauffeur. JESSIE Mais le chauffeur ne se retourne même pas. Un film de mecs, de gangsters. ! Tu sais, moi aussi je vais faire du cinéma Ses paroles fusent et Jessie fait des grands gestes de bras. Mais Cyril ne l’écoute même pas. Il ressent cette impression étrange. Les vibrations des roues qui tournent sous lui. Cette carcasse métallique. Il passe une main sur une vitre. C’est comme s’il redécouvrait une voiture, sans trop comprendre pourquoi. Pour calmer ces sensations étranges, Cyril prend une des dernières pilules de la boîte de médicaments en plastique. SEQUENCE 11 Après quelques minutes, la voiture pénètre une grande propriété boisée et se gare à côté d’une grande maison en pierre de taille. Jessie emmène Cyril. A l’intérieur, tout est tamisé. De grands draps rouges et ondulés pendent de plusieurs mètres. Un étrange dallage asymétrique sur le sol. Tout est propre, aseptisé. Cyril avance dans le grand hall, une multitude de portes à ses côtés. Il voit s’approcher une fille en chemise de nuit rouge, au visage caché derrière un masque qui ne laisse voir que ses yeux. Quant elle passe à côté de lui, elle lui lâche un malicieux clin d’œil. Cyril se retourne et regarde la fille s’en aller. Ses longs cheveux blonds tombent sur la cambrure de son dos. Puis Jessie l’emmène dans une porte bleue tout au fond du hall. Il lui ouvre la porte et attend. Cyril, un peu réticent ne s’avance pas de suite, puis finalement entre. La salle est entourée de rideaux épais et il y a juste une petite table entourée de fauteuils. En face, un grand black au crâne chauve grignote des pistaches. ELIJA Alors… Comment s’était derrière les barreaux ? Cyril reste sans répondre Elija attrape une pistache et la croque. Jessie s’approche et écoute la conversation par-dessus l’épaule d’Elija. ELIJA D’après mes relations, tu es été charmant ! En tout cas, je crois que ça t’as remis les idées en place… Regarde la succession que tu m’as laissé… Il est moins doué que toi. Elija jette un regard sur Jessie qui discute avec le barman et fait des grands gestes des bras, à moitié hilare. ELIJA Mais tu m’as déçu… (Elija avale une pistache, énervé) T’étais comme mon fils… et t’as lâché les copains depuis que cette fille est apparue. Cette Marie. (Parle entre ses dents, comme pour se retenir de crier) Tu nous as foutu dans un beau merdier, tu sais ? On t’avais même protégé après ta désintox’ ! Et quand ton frère voulait récupérer sa fille aussi… J’étais là ! (Elija lâche un petit rire, ironique) C’est depuis cette histoire strange que tu nous as lâché… De toute façon tu n’as pas le cran pour cette gamine, trop de problèmes, trop de passé. Et Lila, tu n’en as pas la classe. Je me rappelle tu étais son meilleur client jusqu’au jour où elle a décidé de raccrocher… pour ne baiser qu’avec toi ! Cyril est toujours placide. Elija se calme, prépare son final et avale une dernière pistache. ELIJA Et moi, j’ai besoin d’un type comme toi… prêt à tout pour elles. Alors si tu veux revoir ta fille, t’as intérêt à te tenir à carreaux. ELIJA C’est bien pour cela que tu es là non ? Elija se lève et fait signe à Jessie de rentrer dans la pièce. Il retrousse ses manches et s’en va. On entend ses chaussures claquées contre le sol vitreux. ELIJA Pour les instructions, on sait où te trouver… Cyril reste quelques secondes pensif et suit à nouveau Jessie. Il le mène dans une grande pièce. Il y a une grande baie vitrée sur le devant et quelques jouets sur le sol. Au milieu, Marie dort sur le torse de Lila, allongée et elle aussi assoupie. Cyril fait un pas en arrière. Tant de choses rejaillissent dans son esprit. Cyril s’approche du couple endormi. Il les regarde avec tendresse, les larmes aux yeux. Il passe une main sur le visage de Marie qui s’éveille doucement. Elle baille et ouvre grand ses yeux en voyant Cyril. MARIE PAPA Elle se met à rire et Lila s’éveille. Un grand sourire éclaire son visage. Cyril la coupe d’un geste de la main sur sa bouche. Cyril prend l’enfant dans ses bras et la sert bien fort. Il pose sa joue contre la sienne. MARIE (en passant sa main contre la joue barbue de Cyril) Cyil sourit et fait glisser sa main contre celle de Lila. JESSIE Hé mec, tu fais quoi là ? Lila est au boss, alors si tu veux pas que je te corrige, enlève tes sales pattes. Elle plonge ses grands yeux verts dans ceux de Cyril. SEQUENCE 12 Alban reste absorbé par les grands yeux scintillants de sa belle. Ils viennent de faire l’amour et Lila semble pensive. LILA Je crois qu’on devrait arrêter de traîner dans ce milieu pourri. Je veux arrêter. Les clients et tout ça… (…) On a bien droit à notre chance. De faire cette merde, m’a condamné à ne pas avoir de gosse. Alors quant tu m’as parlé de cet enfant au téléphone… j’en rêvait déjà… Et je ne veux être qu’avec toi. Je sais ce qui va arrêter tous nos problèmes. On va disparaître. Juste rester nous deux… nous trois ! Un bébé, ça serait ce qui pourrait nous arriver de mieux, hein ? (…) Je sais que tu ne peux pas. Mais ne t’inquiètes pas, je sais ce qu’on va faire… Tu crois vraiment que l’on devrait accepter de s’occuper de ta filleule ? Ca pourrait être une solution à nos problèmes. Mais les dialogues se brouillent peu à peu, deviennent inaudibles. La voix de Lila devient mélancolique et métallique. SEQUENCE 13 A travers la grille du téléphone, la voix de Lila est déformée. Cyril est sous la douche. Dialogues en off. LILA Tu devrais faire attention, fais ce qu’Elija te dit, il est trop puissant. Tout ce passé va nous pourrir toute la vie ?
La tonalité résonne encore. Alors que l’eau coule le long de son corps, Cyril essaie
de creuser sa mémoire, de déterrer ses souvenirs.
Une série de flashs s’empare de lui. Il se revoit heureux avec Marie et Lila,
poursuivi dans la rue, derrière les barreaux et attaqué par cet homme à la
seringue.
La tonalité se déforment mais garde son rythme avec fatalité.
Puis cette paume de main ouverte, avec l’inscription, « Marie est la clé ».
La tonalité déformée devient une sonnerie stridente.
Cyril sort la tête de l’eau et se réveille en sursauts de son cauchemar.
Il ouvre sa main trempée, il ne reste que quelques traces de l’inscription.
Ne supportant plus ces douleurs, Il sort de la douche en sursaut. Il fouille dans son
pantalon et trouve cette boîte de médicaments, Neurontin. Il l’ouvre avec
précipitation et en sort une tablette vide. Il tourne l’emballage en carton et
regarde l’adresse de la pharmacie.
Absorbé par ses hallucinations, il regarde la porte avec angoisse.
SEQUENCE 14
La lumière jaillit. Alban fini d’ouvrir la porte et fais quelques pas dehors sur
l’herbe épaisse.
Il suit le chemin de terre et voit une Espace bleue garée sur le parking.
Son frère, Cyril l’attend, accoudé à la voiture. A l’arrière de la voiture, on aperçoit
une femme qui donne à manger à un bébé dans un maxi-cosi.
ALBAN
(Entre
La carte postale de la famille parfaite… Lorsque Alban n’est plus qu’à quelques mètres de la voiture, Cyril s’approche de lui. Sans même se serrer la main ils s’échangent un bonjour de la tête. Ecoute, je ne vais pas y aller par quatre chemins, mais je veux t’aider à t’en sortir. Après l’accident, la drogue était un remède facile, mais maintenant, je veux t’aider à ne pas retomber dans cette saloperie. Alban reste sans rien dire, il regarde le décor. CYRIL Je veux te filer un coup de main… Tu en auras bien besoin ! Devant le manque d’intérêt de son frère, Cyril s’agace. CYRIL Ecoute, tu sors de 2 ans de désintox’ et de psy !! De toute façon tu auras besoin de moi ! ALBAN C’est ce que tu as toujours cru. On va pas reprendre la discussion qu’on a laissée là il y a plusieurs années… Le téléphone portable de Cyril se met alors à sonner CYRIL Excuse C’est l’hôpital et je suis de garde… Alban se rapproche de la voiture. Par la fenêtre ouverte, il regarde le bébé dans le maxi-cosi avec tendresse. STEPHANIE Bonjour… ALBAN Salut Il entend alors le bruit d’un objet qui tombe par terre. Il ramasse instinctivement le hochet sur le sol et le rend au bébé. Marie lui adresse en retour un immense sourire. Elle passe une main sur le bras de l’homme et sur cette cicatrice entourée d’un serpent. CYRIL Je pense que ça serait bien pour toi que tu viennes avec nous. Depuis quand sais-tu ce qui est bien pour moi ?
Alban jette un dernier regard au bébé, tourne la tête et continue d’avancer.
Le bruit de ses pas se répètent contre le sol goudronné de la route.
SEQUENCE 15

Dans la rue sombre et déserte, les pas de Cyril résonnent. Il titube. Son crâne le
harcèle et sa respiration se bloque. Il ressort de sa poche la boîte de Neurontin
vide et regarde l’adresse qui est portée sur l’étiquette.
Au coin de la rue il aperçoit cette pharmacie.
Dans un dernier effort, il y pénètre et s’écroule.
Le pharmacien en blouse blanche se précipite vers lui et attrape sa tête.
Il jure et commence à fermer la boutique. Il rabat le volant roulant de la devanture
et attrape une seringue dans ses cartons.
OSCAR Oh merde… Je m’inquiétais. Qu’est ce qu’il se passe ? Mais ne t’inquiètes pas, j’ai fait comme tu m’as dit… Cyril reprend ses esprits et s’accroupie. Je m’ennuie les midis, à manger tout seul, moi… Mais Cyril n’a aucune réaction. OSCAR Je n’aurais bientôt plus de sérum, le mélange est difficile à trouver… Cyril sans même chercher à comprendre, l’attrape et le plaque contre une grande armoire pleine de poches de sérum translucide. Le bruit du choc résonne dans toute l’officine. La morphine monte en lui et décuple ses forces. (Etouffant) C’est un test ? C’est ça ?? Cyril l’attrape par le cou et le soulève. En revoyant cet homme, Cyril sent son cou lui faire mal. Des souvenirs violents remontent et lui chauffe ses tempes. OSCAR J’ai juré de rien dire… c’est toi-même qui me l’a dit… Cyril transpire beaucoup et se yeux sont exorbités et rouges. CYRIL Cyril frappe l’homme au visage avec une force incontrôlé. Il laisse sortir toute sa haine dans ses poings. Le type s’écroule et se tasse sur le sol, adossé à la porte, le visage en sang. Son nez dégouline et tâche sa blouse blanche. CYRIL Les bruits de coups résonnent. Cyril frappe encore et encore, frénétiquement. Le sol se couvre de sang. Il envoie des coups de genou dans le visage de l’homme à terre. Cyril n’est plus lui-même, il n’est même plus humain. Couvert de gerbes de sang, il s’accroupi et dessape le type couvert de rouge et de chair. Il fait les poches de l’homme. Cyril traîne le corps du pharmacien dans la rue. Il ouvre une bouche d’égout et y laisse tomber le corps encore fumant. Il referme la plaque et s’en va en courant. La pluie se met à tomber. SEQUENCE 16 Les gouttes d’eau se mettent à tomber sur le bras d’Alban. Il nettoie sa plaie et dévoile un tatouage de serpent entourant une cicatrice vive et profonde. Des écailles vertes, ondulées et des ailes rouges. La plaie saigne encore, le tatouage tout récent. L’eau de la douche continue à s’écouler le long de son corps. Il passe une main sur son crâne et ses cheveux courts. Des bruits résonnent depuis le vestiaire. Les chaussures blanches d’escrime claquent contre le sol carrelé et les paroles sont déformées par le bruit de l’eau. Encore trempé, Alban sort de la douche et enfile un t-shirt et un caleçon. Quelques jeunes hommes en tenues d’escrimeurs se déshabillent et se lavent. Cyril est penché au-dessus d’un des lavabos en céramique blanche. Il referme le robinet en inox et se retourne. Il est en sueur et harnaché de sa tenue. CYRIL Déjà tout propre ! ! De toute façon, tu n’a pas dû suer beaucoup aujourd’hui… ALBAN De toute façon, l’escrime, c’est bientôt fini pour moi Alban se prépare et pose les mailles sur ses épaules, par-dessus le tissu du t-shirt. Il recouvre la cicatrice et le tatouage de son bras avec une protection en fer. CYRIL (Lâche un sourire en coin) Tu sais si grand-mère veut t’envoyer dans cet espace pour jeunes, c’est qu’elle a de bonnes raisons. ALBAN Arrête d’appeler ca comme ca ! C’est un pensionnat ! Il entoure sa main avec coquille en acier et connecte le câble électrique au fleuret. Il lève l’arme et regarde la mouche frétiller sous ses yeux. Son crâne est encore humide et son corps trempé. CYRIL (Constatant qu’Alban s’habille) Pourquoi tu te prépares ? ALBAN Je vais aller m’entraîner… CYRIL Tu fais bien ! Cela fait des mois que tu n’as pas réussi à marquer une seule touche contre moi. Tu as perdu toute ta concentration. Tu n’as pas vécu ce qu… (S’arrête) Alban fait quelques pas et sort de la salle de bains. Son frère le suit. ALBAN Et ma concentration, je peux la retrouver, ne t’inquiètes pas. Je peux te battre dès que je le souhaite Ils arrivent dans une grande salle au parquet foncé et vernis. Les grands fenêtres à petits carreaux laissent échapper la lumière vive du matin. Cyril se place sur le tapis et lance un regard CYRIL On la joue à une touche, d’accord d’Artagnan ? Une touche … Et meurt Ils s’attachent tous les deux au câble et se mettent en grade. ALBAN Ils croisent le fer et se reculent. Avec des pas légers et des fleurets virevoltants, ils s’observent. Le corps d’Alban laisse encore tomber quelques gouttes qui s’écrasent sur le tapis. Cyril bondit et signe le premier assaut. Mais Alban se dégage et voit l’arme de son frère fendre l’air. Il essaie de contre attaquer, mais Cyril relève le fleuret et parade le coup. Les fers se croisent et s’échauffent. Sous son casque, Cyril sourit et semble excité, sûr de lui. Il riposte et enfonce son arme sous la protection d’Alban et entaille son bras. Ce dernier met un genou au sol et grimace. CYRIL Dommage, ca commençait à devenir plaisant. Alban se relève d’un bond, envoyant une petite gerbe de sang taché le tapis. Il relève la tête et prend l’arme avec son autre bras, intact mais recouvert du tatouage récent. ALBAN En disant ces mots, il retire son casque, et se détache de la borne. Il jette un regard vengeur à son frère et se précipite sur lui, le fleuret en avant. Il envoi alors un grand coup de lame frôler le torse de son adversaire. Cyril est surpris et fait quelques pas de retrait. Alban continue son offensive et enchaîne les battements avec son fleuret. Les lames virevoltent, se croisent et fendent l’air. CYRIL (souriant, prenant goût au combat) Jamais donc tu ne comprendras ! CYRIL C’est ta haine qui t’anime, frangin ! ALBAN Tu n’étais pas là !! CYRIL (crie) Est-ce ma faute ? ALBAN (hurle) TU N’ETAIS PAS LA !!! Le fleuret d’Alban gratte la maille de la protection de Cyril avec violence. La sonnerie retentie, indiquant la touche. Ses mots résonnent encore dans la grande pièce. Cyril, blessé, s’écroule sur le sol à la renverse. Il semble apeuré. CYRIL Ne t’inquiètes pas quand grand mère saura ca, le pensionnat sera très proche. SEQUENCE 17 Il est tard. Cyril essaie de ne pas faire trop de bruit. Il est plaqué contre un mur, en plein cœur de la maison d’Elija à quelques mètres de la chambre où résident Lila et Marie. Il vérifie que l’arme est bien chargée, recule le chien et amorce l’arme. Il tourne rapidement dans le couloir qui est vide. Il tourne la tête et croise le regard de Lila. Elle semble comprendre sa présence et sort avec Marie en parlant à Jessie. Elle le rejoint sans se précipiter, pour ne pas attirer le regard de Jessie. Quant ils s’échappent, on voit les corps éventrés. Poursuivis. LILA Je sais où on peut trouver une voiture ! Cyril s’arrête net. Des cris résonnent dans sa tête et il est perplexe CYRIL (Affolé) (En entendant des bruits de pas qui arrivent) Le trio se dirige à toute vitesse vers le véhicule. Puis Lila prend une balle destinée à Marie. Cyril prend le volant d’une berline rouge pétante et attache Marie sur le siège passager. Des souvenirs commencent à ressurgirent. Il se revoit lui aussi en train d’être attaché dans une vieille voiture bleue. Cyril fait rouler la voiture du mieux qu’il peut. Marie a peur, il la regarde pour la rassurer. Et il se revoit, lui avoir peur dans sa voiture bleue, toute gamine. Il revoit les reflets du soleil sur la carrosserie. Cyril regarde à nouveau derrière lui. Marie dort. Rassuré, il tourne la tête. Le reflet du soleil s’empare de ses yeux et la fatalité de la voiture. La voiture s’échappe de la route et s’en va cogner contre la rambarde de sécurité. Au fil des tonneaux, les images d’Alban gamin et de Cyril adulte s’entremêlent. Puis tout flotte. Cyril hallucine, il se revoit tout enfant, secoué dans la voiture bleue. Tout est noir. SEQUENCE 18 Le garçon reste encastré dans la carcasse de la voiture. Il attend, la tête en bas et voit ses parents mourir. Leur sang tombe gouttes à gouttes sur le sol en asphalte. Il regarde autour de lui, affolé. Cyril, son frère, n’est pas là. Alban ferme les yeux de toutes ses forces pour ne pas voir cette horreur. Dans un flash, tout le reste de sa vie défile. La pension, les coups de poings, la cicatrice puis le tatouage du serpent, les braquages et la prison, Marie et enfin l’accident de voiture de la berline rouge, retournée, comme un cercle sans fin. SEQUENCE 19 La chambre d’hôpital est blanche et vide. Juste un grand silence ponctué du bip de l’électrocardiogramme. Le médecin entre dans la pièce, Stéphanie s’avance vers lui, le visage inquiet. LE Par contre, durant les interventions, votre mari a développé certains délires post-traumatiques… Mais ne vous inquiétez pas, c’est souvent le cas après ce genre d’accident, ça devrait passer avec le temps. Il arrive même parfois qu’une partie de la mémoire soit altérée durant un coma. Heureusement, les résultats du scanner sont encourageants, et tout devrait rentrer très vite en ordre. Cyril s’éveille douloureusement. Stéphanie passe une main maternelle sur son front blessé. Son mari ouvre les yeux. STEPHANIE Tous ses risques que tu as pris Jamais je ne te remercierais assez pour tous ses risques que tu as pris pour sauver notre enfant… Marie n’a rien… Mais toi, tu n’étais pas attaché… Cyril, encore comateux, ne comprend pas trop. LE Cyril regarde dehors, sans prêter attention à eux. Puis il tourne la tête. CYRIL Le médecin laisse un regard hagard à Stéphanie. LE Désolé… Stéphanie passe ses deux mains sur son visage et soupire. Cyril jète un regard à la fenêtre et regarde le jour se lever. SEQUENCE 20 La pièce est sombre. Il fait nuit dehors. Les grandes baies vitrées de l’appartement protègent Cyril du froid. Il y a juste la lumière du bureau qui éclaire un parterre jonché de feuilles. C’est une véritable marée de coupures de journaux, des notes manuscrites. Le petit bureau du loft est sans dessus dessous. Tout est silencieux. Juste quelques voitures qui passent dans le quartier calme. Il y a aussi le bruit des gouttes qui tombent dans la douche. Cyril pleure et marmonne. Il passe une main sur son bras. La lame métallique et froide du cutter pénètre sa peau et laisse échapper un épais filet de sang. Il essaie de faire cette cicatrice. Il lâche un léger gémissement de douleur et de malheur. Cyril arrête le jet de la douche. Il passe une main sur son visage. Les larmes se mêlent aux gouttes. Impossible d’effacer ses visions, d’en oublier le souvenir. Il sort de la douche, enfile un peignoir et enroule sa plaie dans un bandage. Il regagne le bureau. Marie le regard d’en bas. MARIE (D’un ton enfantin, insistant sur les voyelles) Ait fait des rêves… avec des monstres… Doudou a peur ! L’enfant lui tend une petite peluche jaune et verte, usée d’avoir été trop câlinée. Cyril la prend dans ses bras et la soulève. Et l’entoure dans bras CYRIL Pov’ Marie regarde son bras et voit le bandage recouvrant la plaie. MARIE Il repose l’enfant sur le sol et regarde dans le vide. Il s’assoit avec elle, la laissant baigner dans les papiers et batifoler. Marie s’amuse par terre et fait émerger un papier de la masse. Cyril s’en saisit. C’est un article de journal. En gros titre « Jumeaux jusqu’à la mort ». Cyril traverse l’article à toute allure et lit pour lui. « Suite à un accident en montagne, les frères Jumeaux Malory se sont retrouvés tous deux plongés dans le coma. A son réveil, Phil ne savait plus un mot de tibétain, langue qu’il possédait pourtant totalement avant. Quelques heures plus tard, c’est au tour de son frère de sortir du coma… » Mais Cyril sous le choc de la révélation laisse glisser la feuille sur le sol. Il trouve alors des notes : « Garder en vie le jumeau » « demander à Oscar de s’en occuper… ». Cyril répète pour lui-même ce prénom qui ne lui évoque rien. Juste quelques flashs remontent en lui. SEQUENCE 21 Cyril court à toute allure dans la rue sombre. Il transpire et ne sent presque plus ses jambes. La ville est noire et muette. Cyril passe devant la pharmacie et la contourne par une ruelle. Il est posté derrière l’officine. A quelques mètres de la bouche où il avait laissé glisser le corps d’Oscar. Il regarde le ciel étoilé, comme en le questionnant. Il scrute le sol. Sa respiration haletée se calme. Soudain, ses yeux se posent sur le sol et son souffle se coupe. Il fait quelques pas et sort du cadre. Dans son crâne, résonnent des paroles échappées au passé. Alors qu’il pose la main sur la poignée métallique avec anxiété, les voix se répètent et se déforment à l’infinie. La porte grince. Le bruit se multiplie avec écho et elle se referme derrière lui. Seul un filet de lumière s’échappe de l’embrasure. Une lumière opaque et jaune, celle des néons. Cyril avance dans le couloir humide. Ses pas claquent contre les flaques du sol. Soudain, il se sent agressé. Une douleur vive le tiraille. Des flashs éclatent en lui. Toujours ces même visions qui reviennent. Au fur et à mesure qu’il s’enfonce dans le couloir, cette odeur fétide de pourriture dévient plus forte. Il pousse une lourde porte avec difficulté. Tout est sombre. Juste quelques filets de lumières se reflètent sur le tissu vinylique blanc. Au milieu, un corps est attaché sur un des deux fauteuils qui trônent là. Les gouttes ne tombent plus. Le cathéter est vide et le corps sec. Cyril se prosterne devant le corps d’Alban mort et lâche un cri dans la nuit. Il sera à jamais hanté par ses souvenirs qu’il n’a jamais vécus.

Source: http://www.nat-online.net/textes/reverso.pdf

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